L
Accueil

PHILIPPE LACOUE-LABARTHE
JEAN-LUC NANCY
scène

P. Lacoue-Labarthe : Comment le dire ? Il faut une sobriété impeccable, irréprochable - on disait il y a trente ans : rigoureuse -, dans la philosophie comme ailleurs. Ce n'est (surtout) pas une leçon de morale - comment pourrais-je en donner ? Mais il y a de la véhémence, je ne le cache pas. Tu n'as pas relevé ce point la dernière fois : mais notre tâche, j'en suis persuadé, est d'être résolument athées, jusque - ou d'abord - dans notre écriture, c'est-à-dire notre manière de dire.)


PHILIPPE LACOUE-LABARTHE
La poésie comme expérience

Un poème n'a rien à raconter, ni rien à dire : ce qu'il raconte et dit est ce à quoi il s'arrache comme poème.

 

L'acte poétique consiste à percevoir, non à représenter


PHILIPPE LACOUE-LABARTHE
Le chant des muses

Dans la mythologie des anciens Grecs, les Muses, toutes filles de Mnémosyne (la Mémoire) étaient indissociablement les déesses de la musique et de la poésie, les deux arts du son. On dit qu'elles inspiraient les hommes et qu'elles tentaient de leur faire reproduire la voix qu'ils avaient entendue, avant de naître, dans le sein maternel, et dont, en naissant, ils avaient perdu toute mémoire. Peut-être alors - telle était au fond l'hypothèse - la musique serait-elle le plus archaïque de tous les arts, le plus émouvant aussi, celui par lequel on chercherait à réentendre, comme en écho, cette voix antérieure, à jamais disparue, oubliée, vouée au silence.

 

JEAN-MICHEL LE BOULANGER
être breton?

""Marc Augé: Ce qui fait l'identité et le territoire, c'est toujours le langage"...
Et Augé de citer l'idée du philosophe Vincent Descombes : un espace se définit par le partage d'un langage (qui n'est pas forcément une langue), où l'on se comprend à demi-mot, où l'on peut avoir une complicité de gestes et d'allusions. "Les espaces où cette compréhension peut se traduire, même à mots couverts, constituent peut-être ce qu'on pourrait appeler un "territoire".
Un territoire, c'est du commun partagé . Un sens partagé.Des potins aussi, et un imaginaire."" Jean-Yves Le Drian

"Un des problèmes majeurs de la démocratie française n'est-il pas cette conception fermée d'une identité à racine unique, close sur des certitudes, nourrie par deux siècles de dogmatisme et parfois d'arrogance?"

HENRI LEFEBVRE
Le sens de la marche
Critique de la vie quotidienne

Compromise et même ébranlée, l'identité nationale, un peu partout, se cherche et cherche à se maintenir. Les secousses amènent de véritables paniques. Le vague de ces termes - pertes d'identité, recherche de l'identité - à toutes les échelles, de l'individu au continent, serait-il dû au hasard? Non, il a un sens. La francité, où se trouve-t-elle? Le nationalisme, dont le retour en force se fait menaçant, serait-il la reconquête de l'identité perdue, ou sa simulation idéologique? Quoiqu'il advienne, le maintien de l'identité signifie l'us et l'abus des commémorations, le retour de l'historique comme référentiel, la pression sur le quotidien pour l'empêcher de se « déstabiliser » et le garder dans l'identitaire. Ce qui implique ainsi une tendance à la reproduction dans l'identité des rapports de domination - non sans obscurcissements et doutes. Toutefois il faut distinguer dans l'identité nationale le réel et l'idéologie : le marché intérieur et la culture dite nationale (par exemple en France le rationalisme traditionnel, dont le caractère national s'estompe au cours de la crise; d'autant qu'il se rattache au logos européen et occidental, lui-même en crise). Cette identité fonctionne dans le sens du non-devenir, autrement dit dans le sens du conservatisme.

Elle fortifie les résistances au changement, alors que par ailleurs et simultanément on proclame l'urgence du changement pour rénover la vie nationale. N'est-il pas étrange qu'à propos de coins arriérés, de villages reculés, de bourgades figées dans l'archaïsme, on parle si souvent de la « France profonde »? Cette francité serait obsolète, désuète; cependant on la valorise à la télévision, dans le journalisme. Ne dissimule-t-on pas ainsi sous des idéologies manipulatrices quelques dures vérités? La France superficielle peut se caractériser ainsi : idéologies avancées - structures arriérées, incroyablement difficiles à mettre en mouvement (corps et ordres constitués, institutions figées, etc.). Quant à la France dite profonde elle se caractérise par des idéologies aussi arriérées que les structures.

HENRI LEFEBVRE.
Nietzsche

"Nietzsche a annoncé la nouvelle barbarie, issue de cette décadence bourgeoise et chrétienne, barbarie qu'il faudrait à tout prix éviter si cela était possible.Il a pressenti le bilan, du point de vue spirituel, de la dernière étape de la société bourgeoise; l'impérialisme sous lequel tout se dissout, culture et organisation de la communauté humaine, et où seule la violence apparaît comme une réalité déterminée."
(1937-1938)

Collectif, coordonné par THIERRY LENAIN
L'image
Deleuze, Foucault, Lyotard

"C'est pourquoi, en face des grands monochromes du peintre américain, (Bernett Newman) j'entre en résonnance avec l'être, autre façon de dire que je m'écoute à travers sa revendication : je ne suis qu'une oreille ouverte au son qui lui arrive du silence, le tableau est ce son, un accord."
Jean-François Lyotard

JULES LEQUIER
La Fourche et la quenouille

Il y avait une fois, dans le pays de Quintin, en Bretagne, un fermier et sa femme qui demeuraient dans une grande et riche métairie. Tout leur avait réussi : ils possédaient des clos et des prés, ils étaient honorés par leurs voisins et par la grâce du ciel, ils avaient sept garçons dont chacun se trouvait doté d'un genre de beauté particulière. Il est vrai que le plus jeune était petit et bossu, et quand il partait pour les champs avec ses frères, sa tournure aurait déridé les passants, mais la beauté de son visage était merveilleuse. Comme il avait beaucoup d'orgueil c'était lui qu'on envoyait à la ville pour les affaires délicates, et si les jeunes filles de Quintin montraient son dos en riant, elles regardaient aussi d'un œil d'envie ses longs cheveux d'un blond cendré ; ses cheveux fins et brillants qui descendaient jusque sur sa bosse.


GOULVEN LE BRECH
Jules Lequier

"FAIRE. Non pas devenir, mais faire et en faisant SE FAIRE."

DAVID LE BRETON
Du silence

"Si la parole n'est pas libre, le silence ne l'est pas davantage. La jouissance du monde découle de la possibilité de toujours choisir. Mais le silence a toujours le dernier mot."


DAVID LE BRETON
Disparaître de soi
Une tentation contemporaine

"Les hommes, disait en substance Kant, ne sont pas faits de ces bois durs et droits dont on fait les mâts. S'il y a parfois au fil d'une vie, pour certains, une sorte de fidélité à soi-même, une cohérence, d'autres connaissent des ruptures improbables, ils deviennent méconnaissables à eux-mêmes et aux autres, plusieurs vies différentes leurs échoient. Mais chaque existence au départ, même la plus tranquille, contient un nombre infini de possibilités dont chaque instant ne cesse de redéployer les virtualités."

 

ANDRE LEROI-GOURHAN
la civilisation du renne

"Chacun pour son domaine, amasse, dans l’ignorance presque complète de l’activité des autres, les matériaux subsistants de telle culture ou de tel point de l’activité du Globe. Entre le géographe et l’ethnographe, les liens sont assez serrés, mais entre l’ethnographe, le géologue, le zoologue ou le botaniste, il n’existe à peu près aucune espèce de relations.
 Lorsque le spécialiste des questions agraires étudie la charrue, l’existence de pierres dans le sol, l’absence de bois de grandes dimensions dans le pays, la nécessité de tracer un sillon étroit pour le riz et la possibilité d’un sillon large pour le blé, la force et les aptitudes relatives du buffle, de l’âne, de la vache, du cheval ou du tracteur automobile lui importent rarement. Et, pourtant, entre le sol et la tempête, il y a les plantes et les animaux qui permettent à l’homme de vivre sur l’un et de résister à l’autre, il y a les qualités mécaniques du fer et du silex qui modèlent l’instrument, il y a les phosphates du sol qui consolident le squelette des occupants, il y a les rats, les moustiques, les chardons.
Tout geste de l’homme est une réaction contre le milieu : c’est la couverture qu’on tire pour se protéger du froid de la nuit, le fleuve qu’on détourne pour se protéger de la sécheresse, l’esprit qu’on invoque pour que les oiseaux viennent dans le piège et pour se protéger ainsi de la faim.
L’ethnographe étudie la couverture, le barrage du fleuve, le piège des oiseaux ; l’historien des religions s’empare de leur contenu spirituel, du dieu des vents, du génie des étangs ou du maître des canards sauvages ; chacun, géologue, zoologue ou botaniste prend à son compte, qui les alluvions, qui la laine ou les plumes, qui l’herbe des pâturages. Ce livre est un essai de coordination dont le caractère encore trop sommaire ne saurait échapper à la critique. On est parti du froid, du fleuve, de l’oiseau pour tenter l’explication des gestes humains. On aurait dû, pour traiter un tel thème, faire largement appel à la philosophie, à la psychologie et conclure ; mais on s’est borné, volontairement, à ne considérer que le côté purement matériel des réactions humaines pour ne pas risquer l’établissement prématuré d’un système."


ANDRE LEROI-GOURHAN
Le geste et la parole
I. Technique et langage

"On peut prouver que l'équilibre matériel, technique et économique influence directement les formes sociales et par conséquent la manière de penser, alors qu'il n'est pas possible d'ériger en loi que la pensée philosophique ou religieuse coïncide avec l'évolution matérielle des sociétés. S'il en était ainsi, la pensée de Platon ou celle de Confucius nous paraîtraient aussi curieusement désuètes que les charrues du premier millénaire avant notre ère. Or l'une et l'autre peuvent sembler inadaptées aux conditions sociales créées par l' évolution des moyens matériels, elles n'en contiennent pas moins des concepts qui nous sont accessibles dans l'actualité. L'équivalence des pensées humaines est un fait à la fois du temps et de l'espace : dans ce qui n'est pas lié au domaine des techniques et à leur contexte historique, la pensée d'un Africain ou celle d'un Gaulois sont d'une complète équivalence avec la mienne. Cela n'est pas dire qu'elles n'aient leurs particularités spécifiques mais simplement que, leur système de référence connu, les valeurs en sont transparentes. Ce fait est d'un ordre qui n'est pas transposable au monde matériel, pas plus qu'on ne peut faire état de la force expansive du cerveau dans l' évolution du crâne. Chaque domaine a ses voies de démonstration, celui du matériel dans la techno-économie et l'histoire, celui de la pensée dans la philosophie morale ou métaphysique ; si l'on est justifié de les trouver complémentaires, cette complémentarité est dans une réelle opposition."

EMMANUEL LEVINAS
Autrement qu'être

"L'ouverture de l'espace comme ouverture de soi sans monde, sans lieu, l'u-topie, le ne pas être enmuré, l'inspiration jusqu'au bout, jusqu'à l'expiration - c'est la proximité d'Autrui, qui ne se veut que comme responsabilité pour autrui, laquelle ne se peut que comme substitution à lui."

WALTER LIPPMANN
La Cité libre

En 1933, Laski écrit que l'apparition de la Grande Dépressio révèle l'incapacité du capitalisme à assurer de façon adéquate la subsistance des travailleurs, et souligne l'existence d'une classe de privilégiés vivant à proximité des masses appauvries, spectacle intolérable pour une société dans laquelle les pauvres ont le droit de vote. Aux Etats-Unis, écrit Laski, il y a aujourd'hui "une grande désillusion démocratique, un plus grand scepticisme à l'égard des institutions populaires, qu'à n'importe quelle période de son histoire.[...] Le malaise de la démocratie capitaliste est incurable aussi longtemps qu'elle reste capitaliste, pour la simple raison que c'est contre les conditions inhérentes du capitalisme que les hommes se révoltent." Ainsi, pour Laski, soit les capitalistes seront contraints d'éliminer la démocratie, soit la démocratie fera disparaître le capitalisme.


NICOLE LORAUX
Les enfants d'Athéna

Idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes

"Confronté à la découverte, pour lui insupportable, du désir féminin, Hippolyte n'a qu'un cri :

"O Zeus, pourquoi as-tu infligé aux humains ce frauduleux fléau, les femmes, en l'établissant à la lumière du soleil? Si tu voulais propager la race mortelle, ce n'est pas aux femmes qu'il fallait en demander le moyen" "

 

PATRICE LORAUX
Le tempo de la pensée

"- Un auteur : celui qui fait "pour nous" l'expérience de l'abrupt."

"- Ecartez tous les interprètes, vous serez en présence de l'auteur."

"- L'auteur ne compte pas et ne doit pas entrer en ligne de compte. Tout se joue pour lui dans l'art de savoir s'éclipser. Il lui faut donc apprendre à s'effacer, et c'est à ce prix seul qu'il peut révéler plus grand que lui."

"Tout mur emmure une fissure, tout mur est construit depuis la fissure qui le rend possible, mais la fissure indique le radicalement constructible. C'est cela qui relance la philosophie, elle qui aura souci de ce qui reste rebelle, nullement une discipline culturellement identifiable, mais une inquiétude face à un mur originairement lézardé, face à un texte trompeusement compact et sans lacune. Il indique à l'autre, au partenaire, l'exigence de l'attitude à inventer pour se tenir en regard de l'Intraitable, non pour le réduire ni même le contenir, mais le transformer en source de recommencement."

"L'oeuvre qui sait durer l'instance du seuil est la p,us belle, la plus dangereuse aussi."

"Créer n'a jamais été que l'ambition de rendre sensible ce qui, provenant du rien, ne cesse d'en manifester la nostalgie.
Rendre manifeste un échantillon du rien, voilà l'obsession."

 

FREDERIC LORDON

La page Frédéric Lordon sur Lieux-dits


LUCRECE
DE LA NATURE. Livre I

"Ce qui paraît mourir ne meurt donc jamais tout à fait
car la nature reforme toute chose par une autre
et ne laisse rien naître qu'au dépens de la mort d'autrui.(...)
Rien donc ne retourne au néant, mais toute chose
se désagrège et rejoint les éléments de la matière."